9 minutes de lecture

L’expérimentation dans l’Éducation nationale à pour la mise en œuvre de l’État régional.

Lois de décentralisation, réforme territoriale, nouvelle gouvernance académique et expérimentations, une seule volonté : territorialiser l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur, en attaquant le caractère national de l’Éducation, les postes, les missions, les conditions de travail des personnels, leurs garanties statutaires et leurs obligations de service.

Si, selon le ministère, l’Éducation nationale serait moins impactée que les autres administrations de l’État, pour FO, cette appréciation ne peut aucunement partagée. Les services vont subir la même politique de régionalisation des services de l’État, au nom de la politique d’austérité, du désengagement progressif de l’Etat, qui se traduisent notamment par leur territorialisation.

L’expérimentation à l’Éducation nationale a toujours eu vocation à une généralisation. Chaque expérimentation ou tentative d’expérimentation mérite donc une analyse précise.

A la rentrée 2019, les REP sont adossés sur 730 collèges avec leurs écoles de rattachement, et les REP+ sont adossés sur 364 collèges avec leurs écoles de rattachement.

En parallèle l’expérimentation des 172 CLA (Contrats Locaux d’Accompagnement) dans 3 académies (Aix-Marseille, Lille et Nantes) depuis 2019.

D’un autre côté, les 126 cités éducatives, à ce jour, à vocation urbaine.

Enfin, les 23 TER (Territoires Educatifs Ruraux), à vocation rurale, en expérimentation dans 3 académies (Amiens, Nancy-Metz et la Normandie) depuis 2019.

Le point commun de tous ces dispositifs ? L’expérimentation comme vectrice de l’éclatement de toute réglementation nationale !

La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (2005) prévoyait déjà, notamment dans son article 34, la possibilité d’expérimenter en lien avec le projet d’école ou d’établissement élaboré avec les représentants de la communauté éducative.

Extrait de l’article 34 – loi de 2005 : « Sous réserve de l’autorisation préalable des autorités académiques, le projet d’école ou d’établissement peut prévoir la réalisation d’expérimentations, pour une durée maximum de cinq ans, portant sur l’enseignement des disciplines, l’interdisciplinarité, l’organisation pédagogique de la classe, de l’école ou de l’établissement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les échanges ou le jumelage avec des établissements étrangers d’enseignement scolaire. Ces expérimentations font l’objet d’une évaluation annuelle. Le Haut Conseil de l’éducation établit chaque année un bilan des expérimentations menées en application du présent article. ».

C’est dans la continuité de cette loi que s’inscrivent la réforme des rythmes scolaires en vigueur depuis la rentrée de 2014, la réforme du collège mise en place à la rentrée 2016 et enfin la réforme Blanquer sur le lycée depuis la rentrée 2019.

Tout cela fait sens et aggrave l’autonomie des établissements scolaires, affaiblissant davantage les cadres nationaux que sont les horaires et les programmes nationaux, qui garantissent l’égalité sur tout le territoire national.

« Ces expérimentations peuvent concerner l’organisation pédagogique de la classe, de l’école ou de l’établissement, la liaison entre les différents niveaux d’enseignement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, l’enseignement dans une langue vivante étrangère ou régionale, les échanges avec des établissements étrangers d’enseignement scolaire, l’utilisation des outils et ressources numériques, la répartition des heures d’enseignement sur l’ensemble de l’année scolaire, les procédures d’orientation des élèves et la participation des parents d’élèves à la vie de l’école ou de l’établissement. Les collectivités territoriales sont systématiquement associées à la définition des grandes orientations des expérimentations menées par l’éducation nationale ainsi qu’à leurs déclinaisons territoriales.

Dans le cadre de ces expérimentations, et sous réserve de l’accord des enseignants concernés, la périodicité des obligations réglementaires de service peut être modifiée. »

Pour preuve, la loi 2019 pour une école de la confiance va encore plus loin et indique dans son article 38 une modification du Code de l’éducation dans son article L314-2.

C’est toujours et encore la poursuite de la territorialisation et il s’agit d’accroître la tutelle des élus politiques sur les personnels, les écoles et les établissements, multipliant les ingérences des collectivités en matière d’organisation et de pédagogie.

L’exemple des cités éducatives impulsées par le plan Borloo de 2018 et mises en oeuvre à la rentrée 2019 par le ministre Blanquer, s’inscrivent dans la même logique !

Le décret sur les expérimentations a été présenté le 3 octobre 2019 :

Pour rappel il s’agit d’un décret d’application de la loi Ecole de la Confiance, permettant d’aller plus loin encore dans la possibilité de déroger localement aux normes, programmes et horaires nationaux, et obligations réglementaires de services. Cela va aggraver l’autonomie des établissements et encourager la multiplication des postes à profil (dans une situation où les CAP perdent leurs compétences en matière de mutation).

La FSU, l’UNSA et la CFDT ont voté POUR, après avoir remercié le ministère qui a su tenir compte de leur demande : que les conseils des maîtres et les conseils d’administration puissent donner leur avis sur les projets d’expérimentation.

POUR : FSU, UNSA, CFDT
CONTRE : FO, SNALC, CGT

Non aux expérimentations et à la mise sous tutelle des « acteurs économiques et politiques » ! Oui à la négociation immédiate !  

TERRITOIRES EDUCATIFS RURAUX – TER
DescriptifCe « programme » s’étend dans 23 « territoires pilotes qui ont été identifiés par les autorités académiques de Normandie, Amiens et Nancy-Metz ». Cette expérimentation touchera 155 écoles et 27 collèges concernés auxquels 20 lycées sont associés.
Répartition des TER  
Académie d’Amiens :
6 TER – 2 collèges et ses écoles de rattachement dans chaque département. Académie de Nancy-Metz : 9 TER – 3 collèges et ses écoles de rattachement dans la Meuse, les Vosges et la Moselle. Académies de Caen et de Rouen : 8 TER, soit 4 dans chaque académie – 1 collège et ses écoles de rattachement dans le Calvados, l’Orne et la Seine-Maritime et 3 collèges et ses écoles de rattachements dans les départements de l’Eure et de la Manche.

Objectifs du ministère« Développer l’ambition scolaire et la mobilité des jeunes des zones rurales et éloignées ; Les acteurs des 23 territoires participant au programme vont être amenés à se réunir et à identifier, sur la base d’un diagnostic partagé, une série d’actions à renforcer ou à déployer dans le but de développer l’ambition, l’ouverture et la mobilité des élèves du territoire. »

Notion de réseau existante ?Entre les collèges et écoles environnantes. La question des lycées n’apparait pas clairement dans le TER car ils sont considérés comme des « partenaires » au même titre que les autres acteurs locaux.

Pilotage hiérarchique ?Du même type que celui existant en REP/REP+ a priori.

CalendrierFin février/avril 2021 : signature des conventions Fin juin 2021 : bilan à mi-parcours Rentrée 2021 : déploiement ou généralisation de l’expérimentation aux autres académies.

Moyens mis en oeuvre dans l’accompagnement de ce programme ?Aucun moyen supplémentaire présenté ou acté par le Ministère. Que chacun se débrouille avec les enveloppes à l’interne !

L’avis du SNUDI-FO 53 :

Rappel sur les TER : Notons tout d’abord que tout prétexte est bon pour continuer d’avancer à marche forcée dans une fusion des académies de Caen et de Rouen, car c’est la « Normandie » qui est ciblée !

Par le biais des leviers que le ministère compte utiliser, à savoir :

•              • « Renforcer la coopération entre l’Ecole et les acteurs locaux ;

•              • Garantir aux élèves ruraux un véritable pouvoir d’agir sur leur avenir ;

•              • Renforcer l’attractivité de l’Ecole rurale et l’accompagnement des personnels. »

Il apparaît clairement une volonté de territorialiser davantage l’Ecole et de désengager encore un peu plus la responsabilité de l’Etat en faisant appel à des « collaborations et partenariats » divers et variés en passant de la « collectivité territoriale et organismes sociaux aux associations et acteurs économiques ».

Plutôt que de créer les postes nécessaires, d’arrêter des fermer des classes, écoles et EPLE ou de disposer de services de proximité, tels que des CIO par exemple, la volonté indiquée par le ministère est également de « renforcer l’accompagnement à l’orientation ainsi qu’à la mobilité des élèves » !

Toujours et encore une expérimentation poussée en allant à une « mise en valeur des innovations pédagogiques dans les classes multiniveaux » et par le « renforcement de la formation continue et interprofessionnelle ».

De quoi parlons-nous ? Est-ce que les TER vont permettre aux personnels d’avoir des moyens complémentaires ? Il semblerait que là encore la réponse sera locale, au bon vouloir et à la possibilité de dégager des moyens locaux, collège par collège, école par école, etc.

Dans le dossier de presse il est ainsi indiqué que « Dans le cadre d’une démarche contractuelle entre l’État et les collectivités territoriales, les Territoires éducatifs ruraux traduiront de manière concrète la participation de l’École au projet d’aménagement et de développement des territoires. »

C’est donc maintenant à l’Ecole de participer aux projets d’aménagement et de développement des territoires ! Raisonner ainsi revient à marcher sur la tête…Est-ce le rôle de l’École de contribuer à l’aménagement du territoire ? Ne serait-ce pas plutôt le rôle de l’aménagement du territoire que de permettre que le Service public qu’est l’École soit accessible partout, remplissant ainsi son véritable rôle, celui d’enseigner ?

La fuite en avant des responsabilités de l’Etat est du même niveau que lorsqu’une entreprise décide de fermer ou de délocaliser, entraînant ainsi de lourdes conséquences dans tout le département et toute la région.