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Inclusion scolaire : le ministre maintient le cap…
de destruction de l’enseignement et des structures spécialisés !

Compte rendu complet ci-dessous


La FNEC FP-FO a été reçue en audience à sa demande ce vendredi 24 mars par le Conseiller école inclusive du ministre sur le dossier de l’inclusion scolaire.

En quelques jours, des centaines de témoignages de situations intenables et inacceptables ont été adressés à la FNEC FP-FO par les syndicats départementaux.

La délégation s’est faite l’écho de la catastrophe en cours dans de nombreuses établissements scolaires du fait de l’inclusion scolaire systématique : mises en danger d’élèves, de personnels avec explosion du nombre de fiche SST, d’accidents de service, de burn-out, manque de postes et de places dans les structures et établissements spécialisés, transformation des enseignants spécialisés et personnels médico-sociaux en coachs dans le cadre de la politique d’évaluation-culpabilisation… STOP, la coupe est pleine !

Son conseiller nous a assuré que le « ministre avait conscience de la situation » et qu’il fallait donc trouver des réponses à la situation avec l’objectif que l’école inclusive se passe le mieux possible pour tout le monde (élèves, adultes, encadrants…)

Va-t-il enfin intervenir pour que soient réouvertes les places en IME, ITPE ? Va-t-il attribuer les moyens pour réabonder les RASED ? Va-t-il revenir sur la politique de culpabilisation des collègues ? Va-t-il prendre la mesure de la catastrophe en cours ?

Dans le contexte actuel de mobilisation contre la réforme des retraites, il n’a pas été aisé de connaître les intentions ministérielles.

L’acte 2 de l’école inclusive…

Le ministère a confirmé que le président Macron annoncera les grandes orientations notamment pour l’école inclusive lors de la Conférence Nationale du Handicap du printemps. Orientations qui seront déclinées dans les instances ministérielles dont le Comité National de Suivi de l’Ecole Inclusive, c’est le fameux Acte 2 de l’école inclusive.

La FNEC FP-FO a fait part de ses inquiétudes suite à la publication rapport d’inspecteurs généraux des finances et d’Inspecteurs généraux de l’EN d’avril 2022 sur l’école inclusive qui préconise de sortir du « tout aide humaine », et de « former les enseignants », on l’a compris, afin de pallier le manque d’AESH et de soins.

La FNEC FP-FO a demandé l’abandon de ce rapport et rappelé qu’il était hors de question de substituer des réponses pédagogiques aux soins auxquels peuvent prétendre les élèves !

Le médico-social dissous dans les établissements scolaires ?

Alors que des milliers de places manquent dans les établissements médico-sociaux, le conseiller du ministre explique qu’il faut travailler sur une rapidité d’intervention avant que les situations ne se dégradent en envisageant la présence de personnels médico-sociaux dans les établissements scolaires. Il s’agit en fait d’accélérer ce qui se fait actuellement, c’est-à-dire, conformément à la loi Blanquer, continuer de dissoudre dans les PIAL les établissements médico-sociaux dans les équipes mobiles censées coacher les personnels confrontés à des situations intenables !

Il faudrait plus de ressources, plus d’appui aux équipes, plus d’aide. Plutôt qu’ouvrir les places pour que les élèves bénéficient de soins, il s’agirait de former en pédagogie, d’avoir des recours de proximité avec des dispositifs de soupape (Dispositif d’Auto Régulation : DAR avec des personnels médico-sociaux).

Quant aux AESH, à l’instar de ce que préconise le rapport, les représentants du ministre s’interrogent sur leur nombre et sur la « déstabilisation » que représente la présence de plusieurs d’entre eux dans une classe…. De fortes inquiétudes pèsent donc sur le recrutement de nouveaux AESH, l’avenir des notifications et des attributions…

La président Macron avec son ministre Ndiaye veulent poursuivre le démantèlement de l’enseignement et des structures spécialisés notamment pour répondre aux exigences de l’ONU. Pour autant, ses représentants n’ont pas semblé sereins, sans doute à cause du contenu explosif de l’inclusion systématique, des orientations gouvernementales sur ce dossier, et de la situation sociale actuelle.

La FNEC FP-FO a rappelé ses revendications :

  • L’abandon du rapport d’avril 2022 sur la scolarisation des élèves en situation de handicap,
  • la création immédiate de places dans les établissements médico-sociaux à hauteur des besoins,
  • un vrai statut, un vrai salaire pour les AESH, abandon des PIAL,
  • le retour à une formation d’enseignants spécialisés par options,
  • le maintien et retour de la prise en charge des élèves par des enseignants spécialisés et l’arrêt de culpabilisation des personnels via des personnels devenus coachs de l’Ecole Inclusive
    Elle invite ses syndicats à lui centraliser les dossiers d’inclusion problématiques non résolus.
    La FNEC FP-FO rappelle que bloquer la réforme des retraites serait un point d’appui formidable pour bloquer les autres contre-réformes dont l’Acte 2 de l’école inclusive. Elle invite les personnels à se réunir de nouveau pour décider de la poursuite de la grève pour gagner jusqu’au retrait !

Compte-rendu de l’audience FNEC FP-FO sur l’inclusion avec le MEN, 24 mars 2023

Reçus par Sébastien Mounier, chef du bureau de l’Ecole Inclusive DGESCO, Nicolas Kanhonou, conseiller Ecole inclusive, cabinet du Ministre.

En quelques jours, des centaines de témoignages de situations intenables et inacceptables ont été adressés à la FNEC FP-FO par les syndicats départementaux.

Introduction :

MEN : Nous avons eu une réunion intersyndicale il y a quelques mois. Il y a nécessité de faire évoluer le système. Il faut que nous échangions, entrions dans le détail des positions de chacun.

Il va y avoir une dernière séance de GT Ecole Inclusive suite au Comité Interministériel d’octobre et en vue de la préparation de la Conférence Nationale du Handicap du printemps. Le Président Macron annoncera les grandes orientations notamment pour l’Ecole inclusive, orientations qui seront déclinées dans les instances MEN dont le Comité National de Suivi de l’école inclusive.

Nous recevons toutes les organisations représentatives sur ce dossier à leur demande.

FNEC FP-FO :

La FNEC FP-FO vous a demandé cette audience en urgence car la situation est chaotique, inquiétante et inacceptable dans les établissements du 1er comme du 2nd degré.

Rappel de l’audience suite à la conférence de 2018.
Elle nécessite une réponse de l’institution. Les collègues l’attendent. Nous avons reçu de très nombreux témoignages de collègues en grande détresse, confrontés à des situations auxquelles ils ne peuvent plus faire face.
Notre responsabilité est de vous alerter. La vôtre est de garantir le fonctionnement du service public d’éducation. Or celui-ci est compromis car ce qui était conçu et présenté comme une solution, l’inclusion scolaire systématique des élèves en situation de handicap, est devenu un problème.
La situation est grave car les conséquences sur les conditions de travail et la santé des personnels et des élèves sont dramatiques. La perception du handicap au sein des établissements est en train de changer.

L’inclusion est maintenant perçue comme la cause de souffrances pour tous :

  • les élèves qui sont inclus sans prendre en compte la nature et la gravité de leurs handicap/difficultés scolaires et parfois sans accompagnement
  • les autres élèves qui subissent des violences ou apprennent dans des conditions de fait très dégradées
  • les personnels qui sont démunis pour les accueillir tant les conditions sont devenues difficiles avec des scènes de violences intolérables ou qui sont mis en danger par cet accueil
  • les parents qui sont insatisfaits des conditions d’accueil.
  • C’est très grave car, dans de nombreuses situations, il y a mise en danger à la fois d’élèves et des personnels. C’est très grave car les personnels ont le sentiment d’être abandonnés.
  • Par ailleurs, les personnels sont inquiets des menaces que fait planer le rapport de l’IGF et de l’IGESR.

Personnels et élèves sont confrontés à une situation de mise en danger. (citation d’exemples et témoignages)

  • Mise en danger des personnels qui sont confrontés à des situations ingérables et qui les dépassent –violence vis à vis des AESH comme des enseignants
  • violence vis à vis des élèves conduisant la classe à percevoir le handicap comme une menace et -une cause de désordre dans la classe et engendrant des troubles psychologiques
  • explosion du nombre de fiches RSST pour signaler des agressions de personnels (pourcentages très élevés dans des départements)
  • l’inclusion systématique est devenue la 1ère cause d’accident du travail et de burn out dans l’éducation nationale
  • Mise en danger des élèves
    – par l’inclusion d’élèves qui n’ont pas trouvé de place en IME et en ITEP et que personne n’est en capacité de gérer (des élèves suicidaires, violents, qui ne sont pas propres mais qui se retrouvent en collège dans une classe avec 29 autres élèves)
    – souffrance des élèves en situation de handicap qui n’ont pas d’AESH ou qui voient la prise en charge par l’AESH se réduire au fur et à mesure où l‘AESH se voit confier des élèves supplémentaires.

Les PIAL aboutissent à gérer la pénurie d’AESH au plan local avec une pression accrue sur les AESH.

  • souffrance des autres élèves qui doivent apprendre dans une ambiance infernale et insécurisante.
  • des élèves accueillis en LP alors qu’il y a utilisation de machines dangereuses

Manque de places et de postes d’enseignants spécialisés

  • Listes d’attente énormes dans toutes les structures et dispositifs (chiffres des départements, 150 pour la Mayenne)
    (centaines en IME et ITEP dans de nombreux départements, ULIS à 14 voire 16…)
  • Heures dues aux élèves non données (ex IME du 43, 37)

Modifications des missions des enseignants spécialisés et des personnels médio-sociaux

  • Rôle de personnels ressources et coachs des enseignants spécialisés
  • Rapport RASED
  • EMAS dans le cadre des PIAL
  • Pressions exercées sur les collègues dans le cadre de politique ministérielle d’accompagnement et de culpabilisation PPCR
  • Nous demandons le retour des prises en charge des élèves et non du « coaching ».
  • Demande du retour d’une formation par options d’enseignants spécialisés telle que le CAPA-SH et non de personnels ressources avec le CAPPEI.


FNEC-FP FO : Il s’agit d’une alerte, nous sommes dans une situation catastrophique avec des accidents graves susceptibles de se produire.
Souhaitez-vous une copie des témoignages ou pouvons-nous vous adresser des situations de blocage ou grave ?

MEN : oui, vous pouvez nous adresser des situations particulières avec un problème.
Nous avons entendu. Vous signalez une situation d’urgence, une réalité vécue par les équipes avec de la culpabilisation, une délégitimation professionnelle.

MEN : Selon vous, qu’est-ce qui met les équipes en difficulté ? Il y a 430 000 élèves en situation de handicap scolarisés, ce sont autant de situations différentes. Il y a une crispation sur les élèves qui ont des troubles du comportement

FNEC FP-FO :

Cela concerne aussi bien le 1er que le 2nd degré avec une montée en puissance au second degré.
Le ministre en a-t-il conscience et connaissance ? Des IA-DASEN nous disent faire remonter la situation et qu’eux-mêmes sont désemparés face à de telles situations. Si oui, que répond-il aux revendications des collègues de création de places en ESMS et de prise en charge des élèves par des enseignants spécialisés et que cessent les pratiques de culpabilisation ?

Le ministre a évoqué l’Acte 2 de l’école inclusive. Va-t-il enfin intervenir pour que soient réouvertes les places en ESMS, va-t-il attribuer les moyens pour réabonder les RASED ? Va-t-il revenir sur la politique de culpabilisation des collègues ? Va-t-il prendre la mesure de la catastrophe en cours ?

Il y a la crainte de réduction du nombre d’AESH : le rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de l’EN d’avril 2022 sur l’école inclusive préconise de sortir du « tout aide humaine », de réduire le recours aux AESH.

Ce n’est pas des dotations en matériel, ni la formation des enseignants, ni le transfert des prérogatives de la MDPH sur l’Education nationale, ni le transfert du budget aux collectivités territoriales, qui règleront le problème, bien au contraire. La réponse est une réponse humaine et adaptée. Pour rendre le métier d’AESH attractif et stabiliser les AESH dans le métier, les professionnaliser ? Nous demandons leur intégration dans la Fonction publique avec les droits afférents (formation, rémunération).

Nous demandons que le ministre ne donne pas suite au rapport de l’IGF et de l’IGESR

MEN : La situation est connue du ministre et est prise en compte. D’autres OS font remonter (avec d’autres mots et d’autres façons de le dire) le sentiment de mise en difficulté réelle des équipes sur le terrain.

Le ministre s’est exprimé sur le sujet et a reçu de nombreuses critiques. Il mesure l’enjeu, c’est l’acte 2 de l’école inclusive : trouver des réponses à la situation avec l’objectif que l’Ecole inclusive se passe le mieux pour tout le monde (élèves, adultes, encadrants…)

On ne peut nier le succès de l’école inclusive avec 430 000 élèves en situation de handicap inclus grâce à l’investissement des personnels sur le terrain. Les situations que vous présentez ne représentent qu’une petite part de ces élèves.

Nous avons beaucoup d’AESH (132 000) avec plusieurs par classe parfois, ce qui pose problème. Certains syndicats disent qu’il y a trop d’AESH dans certaines classes. Trop d’AESH déstabilise une classe. Selon le rapport de l’IGF et de l’IGESR, la réponse n’est pas forcément « plus d’AESH ».

Mais la question est : qu’est-ce qui rend l’inclusion compliquée ? Les comportements violents ou autre chose ? Le risque serait de rejeter l’inclusion en bloc. L’acte 2 doit nous permettre d’avancer sur ces réponses.

FNEC FP-FO : nous citons l’exemple de la Réunion avec une collègue qui doit remettre une sonde d’estomac d’un élève si elle tombe…

MEN : ce n’est pas acceptable. Les enseignants n’ont pas à faire de geste médical. Nous entendons que vous voulez qu’ils restent sur leur métier.
Il faut toutefois plus de formation, plus de capacité pour que les enseignants apprennent à gérer les différents profils qu’ils ont en face.
Et si on décidait d’ouvrir des places en ESMS, il faut du temps pour cela. Dans l’immédiat, les enfants sont dans les classes, il faut donc composer avec. Comment faire ?

FNEC FP-FO :

Nous considérons que nous ne pouvons substituer des réponses pédagogiques au manque de soins.
Par ailleurs, depuis le début de l’audience, vous laissez entendre que rien n’est arbitré, que vous ne savez pas ce qui sera décidé. Doit-on s’attendre à une rupture avec la politique précédente ?

Nous avons toujours dénoncé la loi de 2005 en annonçant qu’en découlerait la catastrophe que nous sommes en train de vivre, une maltraitance institutionnelle d’élèves et de personnels.

La FNEC FP-FO est opposée à la systématisation de l’inclusion qui se fait au détriment des personnels et de tous élèves.

Par ailleurs, dans le cadre du pacte rejeté par toutes les OS, il était évoqué des référents inclusion qui inévitablement s’inscriraient dans la suite de la liquidation de l’enseignement spécialisé et risqueraient d’accentuer les tensions dans les établissements. Ce sont des postes d’enseignants spécialisés et de places en établissements, structures que nous demandons.

Toujours dans le domaine de l’inclusion, nous sommes également saisis par des syndicats départementaux qui dénoncent le manque de moyens alloués aux UPE2A et à l’accueil des élèves allophones malgré la publicité gouvernementale. Dans des départements, il est demandé aux collègues d’UPE2A de ne plus prendre en charge les élèves mais d’expliquer aux collègues comment gérer ces élèves, collègues qui bien souvent doivent se contenter de jouer du traducteur de leur téléphone pour communiquer avec ces élèves.

MEN : le ministre a fait un discours pour dire que l’Ecole n’était pas suffisamment outillée pour accueillir les élèves d’IME, discours qui a mal été perçu.
Le cap sera donné au CNH. Il s’inscrira dans la loi de 2005 et dans les décisions ministérielles précédentes. Il faut travailler sur une rapidité d’intervention avant que les situations ne se dégradent. Envisager la présence de personnels médico-sociaux dans les établissements scolaires.
Comment faire pour que les conditions soient bonnes pour tous. Sociétalement, est-il bon de mettre des enfants différents dans un autre milieu ?
Il faut plus de ressources, plus d’appui aux équipes, plus d’aide. Il faut former en pédagogie, avoir des recours de proximité avec des dispositifs de soupape (Dispositif d’Auto Régulation : DAR avec des personnels médico-sociaux)

FNEC FP-FO : c’est déjà ce qui est proposé à des collègues qui se voient rencontrer les conseillers pédagogiques, les EMAS etc. pendant des semaines voire des mois et sans que la situation ne change. Le problème reste l’absence de prise en charge des élèves, les plaquettes des EMAS stipulant explicitement que ces personnels médico-sociaux n’interviendront pas auprès des élèves !

MEN : Pour le statut des AESH, c’est un métier qui a explosé, c’est le 2ème métier dans l’Education Nationale. Plusieurs mesures vont être prises : prime REP/REP+, CDI dès 3 ans, augmentation à la rentrée 2023.
2 enjeux : arriver à améliorer leur situation sociale avec des temps complets, un questionnement sur leur métier. Si nous bougeons sur l’école inclusive, nous devons bouger leur positionnement. Imaginer une évolution de carrière, des perspectives…

FNEC FP-FO : Nous avons rappelé nos revendications et conclu en expliquant que nos positions avaient un fort écho dans tous les départements et que, vu le contexte de tension lié à la mobilisation sur les retraites, le ministre devait être vigilant quant à ses décisions, qu’il y a une colère intense et que les conditions de travail en sont également une cause.

Le ton a changé. Le conseiller a dit qu’il allait relayer l’échange au ministre puis nous a retenus un moment dans le couloir disant être très intéressé par nos positions et nous proposant, en insistant, sur le fait qu’il ne fallait pas hésiter à demander de nouveau audience, surtout dès l’annonce des décisions.
On sent une fébrilité et hésitation dans le contexte particulier actuel.

Montreuil, le 25 mars 2023