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Au prétexte de la crise sanitaire et économique, M. le ministre Blanquer a fait clairement le choix de transformer l’école en garderie. Ce n’est pas la mission des personnels de l’Education nationale. Un transfert de responsabilités est en train de s’opérer entre le ministère et les collectivités territoriales… La « doctrine sanitaire » contenue dans les guides ministériels n’est techniquement pas faisable. Pire, elle risque d’engager la responsabilité juridique des personnels, notamment les directeurs d’école et les personnels de direction. La FNEC FP-FO défendra les intérêts matériels et moraux des personnels : le droit à la protection, les statuts, les missions, l’école républicaine. L’action syndicale a permis d’obtenir quelques réponses sur les masques, sur les personnels à risques, mais le ministre n’a pas répondu aux inquiétudes, aux revendications des personnels, loin de là. Rien n’est prêt. Nous voulons les tests systématiques, nous voulons des protections efficaces maintenant. La FNEC FP-FO soutiendra tous les personnels qui refusent de retourner sur leur lieu de travail à leurs risques et périls.
Quelques informations données par le ministre, en bref :
Un protocole sanitaire pour la reprise a été rédigé par le ministère. Si le protocole ne peut être respecté, l’école restera fermée. Il reste à déterminer dans ce protocole ce qui relèvera de la responsabilité de la mairie et des collectivités et ce qui relèvera des responsabilités de l’Etat donc du directeur de l’école ou du chef d’établissement mais également qui décide de quoi dans l’hypothèse où le protocole ne pourra pas être respecté.
Les interventions FO au CHSCT notamment ont été prises en compte : c’est le cas pour les masques parexemple. Les masques pour les adultes seront fournis par l’Education nationale.
Les tests seront réalisés à hauteur de 700 000 tests par semaine. S’il y a un cas testé positif de COVID dans une école ou un établissement, il sera fermé.
Les personnels vulnérables ou qui sont au contact de personnes qui le sont pourront rester confinés et travailler en distanciel. Il y aura une très grande bienveillance sur cette question.
Pour les enseignants qui ont des enfants, des solutions de prise en charge prioritaire de leurs enfants pourront leur être proposées. Evidemment, si leur école, leur crèche, leur collège n’ouvre pas, ils resteront chez eux pour garder leur enfant.
Les enseignants en présentiel n’auront pas à effectuer de travail en distanciel. Seuls les enseignants qui seront chez eux s’occuperont de travail en distanciel. Ce sera aux services académiques de l’organiser.
Compte-rendu détaillé
Une délégation de la FNEC FP-FO a été entendue en visioconférence par le ministre de l’Education nationale JM Blanquer. La délégation FO était composée de Clément Poullet, secrétaire général de la FNEC FP-F0, Christophe Lalande, secrétaire fédéral, Guy Thonnat, représentant FNEC FP-FO au CHSCT ministériel.
M. le ministre : En préambule, je souhaiterai insister sur la situation historique que nous vivons et qui touche tous les pays. Elle est catastrophique et il faut en prendre la mesure. Il y a l’enjeu social des élèves en situation défavorisée. Il y a un bon climat dans nos échanges mais quand je vois vos communiqués au «bazooka», je ne comprends pas le positionnement de FO éducation. Je ne comprends pas qu’on rajoute de la conflictualité dans la situation. Nous travaillons dans un climat de confiance, souligner les inconvénients est facile. La vraie question est comment faire pour qu’à la fin, les élèves puissent avoir classe.
La rentrée se fera d’abord dans le 1er degré. Il y aura un pilotage en fonction de la situation sanitaire. Nous voulons avant tout penser aux élèves les plus défavorisés avec les problèmes de violence, de décrochage, les problèmes alimentaires…
Protocole sanitaire
En tant que membre du CHSCT ministériel, vous avez été destinataires du projet de protocole sanitaire. Il peut encore évoluer. Un GT du CHSCTM se tient après notre audience. Il répond à vos attentes de cadrage ministériel. Il est très précis et fixe un cadre indépassable. Si le protocole n’est pas respecté, l’école restera fermée. Cela correspondait à vos revendications.
Sur deux points importants : les masques et les tests.
Les masques pour les adultes seront fournis par l’Education nationale.
Les tests seront réalisés à hauteur de 700 000 tests par semaine. Il n’est pas possible de tester tout le monde et quand bien même cela serait faisable, on ne peut pas tester 60 millions de personne tous les jours. Tout d’abord, c’est désagréable et puis ce n’est pas pertinent selon les services de santé. Ils préconisent que seuls ceux qui auront des symptômes seront testés et pour les personnes positives, on testera les personnes qui ont été en contact ce qui correspond environ à 30 personnes. Pour ce protocole, les 700 000 tests par semaine suffiront. S’il y a un cas testé positif de COVID dans une école ou un établissement, il sera fermé. Il y aura une réactivité immédiate. Il reste des choses à statuer dans ce protocole sanitaire comme la question des cantines et des internats.
Accueil
Progressif est le mot clef. En primaire, CP et CM2 sont des modalités possibles. Il y aura en parallèle une logique transversale pour les publics prioritaires : les élèves en situation de handicap, les élèves décrocheurs, les enfants des personnels indispensables (soignants, pompiers, policiers… et on rajoutera les enseignants qui le souhaitent). Les fratries devront aussi être prises en compte. Ces décisions se feront au niveau local.
Au niveau des élèves, ils seront soit :
– Accueillis en petit groupe dans leur classe
– En étude dans une classe qui n’est pas la leur pour les élèves prioritaires s’il y a un quelqu’un pour assurer cet accueil – Dans d’éventuels dispositifs prévus par les collectivités sport santé culture
– Chez eux où comme l’instruction est obligatoire ils devront pouvoir bénéficier d’un enseignement à distance
Pour les professeurs, ils seront :
– Présents auquel cas ils n’auront à s’occuper que des élèves qui sont présents. Ils n’auront pas à assurer le suivi des autres élèves chez eux en télétravail
– Chez eux. Ce sera le cas des personnels vulnérables ou qui sont au contact de personnes qui le sont. Il y aura une très grande bienveillance sur cet aspect.
Pédagogie
Il y aura une circulaire de cadrage pour la reprise de la maternelle à la terminale. Il sera clair que le but ne sera pas de boucler les programmes.
FO : En réponse à votre préambule, nous rappelons la position constante de FO au niveau confédéral. La question pour nous n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre le déconfinement mais de savoir si les conditions de protection des personnels sont réunies. Force est de constater qu’il y a de grandes incertitudes sur le plan sanitaire.
Nous n’avons toujours pas de réponse à l’avis posé dans le CHSCT ministériel du 3 avril sur le dépistage systématique avant toute reprise.
Nous avons été surpris de constater que le protocole qui devrait être soumis à l’avis du CHSCT circule déjà. Des chefs d’établissement, des IEN demandent déjà aux personnels d’indiquer comment ils le mettront en oeuvre. On veut bien nous aussi continuer à négocier dans le cadre du dialogue social mais on a le sentiment d’être mis au pied du mur et que les décisions sont parfois prises à l’avance.
Nous sommes dans notre fonction en portant l’inquiétude de nos mandants : les collègues ne comprennent plus. Comment alors que les rassemblements de + de 10 personnes sont interdits on pourrait regrouper des élèves par centaines. Il n’est pas possible que ces décisions soient prises au niveau local, avec un transfert de décision au niveau des collectivités, des mairies, qui est inquiétant.
M. le Ministre : Vos interventions au CHSCT notamment ont été largement prises en compte : c’est le cas pour les masques par exemple. La comparaison avec un restaurant par exemple n’est pas juste parce qu’il n’y a pas de moyen de s’assurer des gestes barrières et des mesures de protection. Dans les établissements scolaires, il y aura un protocole qui donne des garanties sanitaires. Ce protocole a effectivement fuité dans la presse. Mais il n’est pas définitif et le GT du CHSCT sera là pour apporter les modifications nécessaires.
FO : Sur les aspects CHSCT, nous avons bien reçu ce document hier à 20H39 à étudier pour aujourd’hui alors qu’il fait plus de 60 pages. Le problème n’est pas qu’il y ait des fuites dans la presse, c’est qu’un autre document mis en page soit utilisé par les maires, les responsables hiérarchiques.
Pour nous ce protocole sert avant tout à transférer la responsabilité sur les directeurs d’école et les chefs d’établissement.
Quand ils lisent ce protocole, les collègues réagissent en indiquant qu’il est inapplicable. Par exemple en maternelle, les collègues se demandent ce qu’ils vont pouvoir faire de la journée sans matériel commun, jeux, coins, pour l’habillage, pendant la récréation… Quelle sera la responsabilité des personnels, du directeur d’école, des chefs d’établissement s’ils n’arrivent pas à respecter le protocole ?
Vous indiquez un désaccord que nous avons sur la nécessité du dépistage systématique. Nous rappelons que sans cela, comme les enfants sont vecteurs du virus, nous nous exposons à un regain de l’épidémie. C’est ce qui est affirmé par de nombreux professionnels de santé (OMS, ordre des médecins…)
Concernant les masques, nous rappelons que selon le code du travail, seuls les masques FFP sont reconnus pour protéger les personnels, pas les masques « grand public ».
Vous avez indiqué une grande bienveillance pour les personnels vulnérables ou dont des proches le sont. Nous souhaitons savoir si les autorisations spéciales seront accordées et sous quelles conditions.
Nous souhaitons également savoir ce qu’il en est pour les personnels AESH qui seront étant donné leurs missions en contact direct avec un élève et ne pourront pas respecter les gestes barrières. Leur présence sera-t-elle requise si les élèves suivis restent chez eux ?
Enfin, nous rappelons notre demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour les personnels qui ont contracté le COVID. Le tableau 76 prévoit les maladies infectieuses contrairement à ce qui est souvent affirmé. Nous n’avons toujours pas de réponse alors qu’un cas avéré de COVID contractée en service ayant entraîné la mort a eu lieu à Strasbourg pour un enseignant qui assurait l’accueil des enfants de personnes indispensables.
M. le ministre : Tout d’abord, le désaccord sur les tests n’est pas avec moi mais avec la direction générale de la santé. Il faut être pragmatique dans ce déconfinement, ne pas être dans la dénonciation et avoir du bon sens. Nous avons rédigé en suivant vos demandes un protocole strict. Vous nous dites maintenant qu’il n’est pas faisable. Alors le déconfinement resterait dans le ciel des idées. Je ne pense pas que ce protocole soit inapplicable. Il faut avoir de la confiance et de la maturité. Dans ce protocole, il reste à déterminer ce qui relèvera de la responsabilité de la mairie et des collectivités et ce qui relèvera des responsabilités de l’Etat donc du directeur de l’école ou du chef d’établissement. Il reste aussi à voir qui décide de quoi dans l’hypothèse où le protocole ne pourra pas être respecté. Les services académiques ne laisseront pas les directeurs tous seuls.
FO : Vous indiquez la nécessité de confiance et maturité. Faut-il comprendre que les maires qui décident de ne pas ouvrir les écoles, que les pays touchés comme la France par l’épidémie qui décident de reporter la reprise en septembre, que l’Ordre des médecins qui dénonce dans ce choix «un manque absolu de logique» et craint l’aggravation de l’épidémie, manquent de confiance et de maturité ?
Le fait que les universités restent fermées, le report de l’ouverture des lycées… Tout cela concourt au sentiment que l’école sert de garderie pour que les parents puissent retourner travailler, même si nous sommes tout à fait conscients des enjeux économiques. Néanmoins, le premier ministre a précisé que le télétravail devait être privilégié quand c’est possible, que les mesures de distanciation physique devaient être prises sinon, et que si rien de tout cela n’est envisageable, que les masques soient obligatoires pour tous, notamment dans les transports. Au final, seuls les enfants ne seraient pas concernés par cette mesure sanitaire prise pour l’ensemble de la population, alors qu’aucun dépistage n’est prévu et que les enfants sont globalement asymptomatiques. Nous réaffirmons le danger que votre décision présente pour les personnels, les élèves et leurs parents !
Quelques questions précises :
- Vous préconisez 15 élèves par classe ? Comment fait-on si plus de parents souhaitent que leur enfant soit accueilli ? Un roulement 1 semaine/1 semaine ? On trie les élèves ? Il n’est pas possible pour nous que ces décisions soient reportées au niveau local.
- Des mairies décident de modifier les horaires, les fonctionnements. Ce transfert de compétence n’est pas acceptable. Qu’en est-il de nos obligations de service dans cette situation ?
- Les personnels vulnérables auront-ils des autorisations spéciales d’absence ? Qu’en est-il pour les personnels qui pensent être potentiellement malades ?
- Les enfants seraient présents sur la base du volontariat des parents ? Qu’en est-il pour les enseignants parents d’élèves ? Si les enfants ont des problèmes de santé ? Si les écoles, collèges, lycée, crèches sont fermées ?
- Des enseignants seront inévitablement absents, en grand nombre. Comment fait-on si enseignants ne sont pas remplacés, ce qui est fréquent déjà en situation normale ? On renvoie les enfants ?
- Comment seront gérées les entrées et sorties échelonnées préconisées dans le protocole ? On travaille de quelle heure à quelle heure ? Comment fait-on pour ne pas être en défaut de surveillance dans ces situations ?
- Vous indiquez que les enseignants n’auraient pas la double tâche de travail en présentiel et en distanciel pour les élèves qui restent chez eux. Mais si ce n’est pas les enseignants de la classe qui s’en chargent, qui le fera ? Comment cela pourrait-il être organisé ?
- AED : quelles obligations réglementaires de service ?
- AESH : que font-ils si le ou les enfants suivis reste chez eux ? Pourront-ils rester en confinement ?
M. le Ministre : Oui le COVID est une maladie grave, très grave. Si on cherche des polémiques, on va en trouver. Tout ce qu’on y gagnera ce seront des endroits où l’on n’ouvrira pas.
Sur les masques pour les enfants, tous les experts disent que c’est contreproductif. Ils ne deviennent obligatoires qu’au collège. On mettra des masques pédiatriques à disposition pour certains cas particuliers.
Concernant les flux, le protocole prévoit des horaires décalés, des marques au sol. Il y aura des endroits où cela se fera avec de la bonne volonté et d’autres peut-être où cela n’aura pas lieu avec pour conséquence que les élèves n’auront pas école et que leur droit à l’éducation ne sera pas respecté. C’est mon rôle de tout faire pour le faire respecter.
Pour les enseignants qui ont des enfants, des solutions de prise en charge prioritaire de leurs enfants pourront être proposées. Evidemment, si leur école, leur crèche, leur collège n’ouvre pas, ils resteront chez eux pour garder leur enfant.
Seuls les enseignants qui seront chez eux s’occuperont du travail en distanciel. Ce sera aux services académiques de l’organiser.
Pour tous les autres problèmes posés, bien sûr il y aura des fonctionnements particuliers compte tenu des circonstances.
Nous avons décidé de reporter l’ouverture des lycées, ce qui correspond au moins pour ce secteur à votre demande. La raison est que les spécialistes indiquent que la contagion est moins forte chez les jeunes enfants que chez les adolescents.
Je suis pour que notre dialogue social soit constructif et pas stérile. J’apprécierai que vous rendiez compte de cette instance en mettant en lumière la prise en compte de vos revendications et pas seulement les aspects négatifs.
Durée de l’audience 1h, le ministre ayant d’autres impératifs. Nous n’avons donc pour le moment pas les réponses aux autres questions que nous avons posées.