L’annonce surprise, mardi 27 mars, par Macron d’une “scolarité obligatoire” à partir de 3 ans dès la rentrée 2019 devant un parterre réuni par Boris Cyrulnik sans que les enseignants n’aient d’ailleurs été associés à sa préparation, n’est pas forcément une bonne nouvelle.
Surtout quand un rapport remis à Edouard Philippe par France Stratégie (cabinet de prospective rattaché au premier ministre) préconise un accueil spécifique des “tout petits” de 1 à 5 ans, et que le rôle des ATSEM est valorisé au point qu’on s’interroge sur leur prochaine substitution aux enseignants.
Entendons-nous bien : s’il s’agit de valoriser le travail des ATSEM et de parfaire leur formation, nul ne peut le regretter. Cependant on ne peut s’empêcher de mettre cette annonce en relation avec le décret du 1er mars, relatif aux missions des ATSEM, étape vers la transformation des écoles maternelles en jardin d’éveil. Ce décret prévoit notamment :
« Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles appartiennent à la communauté éducative. Ils peuvent participer à la mise en oeuvre des activités pédagogiques prévues par les enseignants et sous la responsabilité de ces derniers. Ils peuvent également assister les enseignants dans les classes ou établissements accueillant des enfants à besoins éducatifs particuliers. »
Pour la 1ère fois des missions de « mise en oeuvre des activités pédagogiques » ne relèveront plus de l’Education nationale mais sont placées sous l’autorité des collectivités territoriales.
Quelle que soit la précaution oratoire prise : « (…) prévues par les enseignants et sous la responsabilité de ces derniers. » la modification est fondamentale et retire à l’Education nationale sa prérogative.
De plus il est confirmé, alors que la politique ministérielle de l’inclusion scolaire s’est mise en place, que les ATSEM pourront être utilisés en lieu et place des AVS pour « assister les enseignants dans les classes ou établissements accueillant des enfants à besoins éducatifs particuliers. » aujourd’hui à la charge du ministère de l’Education nationale.
C’est un transfert de compétence qui s’inscrit dans la logique des décrets Peillon Hamon Blanquer sur les rythmes scolaires et qui confirme le danger que représentent ces Assises de la Maternelle. C’est la logique de l’abandon de missions que le ministre de l’Action et des Comptes publics veut imposer dans le cadre de CAP-2022.
Notons que ce décret fait suite aux déclarations de B. Cyrulnik (conseiller scientifique de M. Blanquer et intervenant régulier pour le SNUipp) qui déclare : «L’expérience montre que les enfants ne s’attachent pas forcément à celui qui a le plus de diplômes » (Ouest-France le 06/01/18 ) Et reprend les arguments du ministre Darcos en 2008 :« Est-il nécessaire d’avoir bac +5 pour surveiller la sieste et changer des couches ?»
Rappelons qu’à plusieurs reprises Force Ouvrière, avec ses syndicats d’enseignants et des personnels territoriaux, s’est opposé au projet gouvernemental de modification des missions des ATSEM pour tenter d’imposer dans leur statut, « leur rôle éducatif et d’assistance pédagogique des enseignants ».
Lorsqu’on évoque, d’une part, l’indispensable -et légitime- réduction des effectifs, et que l’on connaît, d’autre part, la difficulté pour les services publics à voir leurs moyens augmenter, on peut légitimement s’interroger sur la tentation forte pour l’Etat à se décharger une nouvelle fois sur les collectivités territoriales en imposant l’augmentation du nombre d’ATSEM (payées par les municipalités) tout en réduisant le nombre des enseignants jusqu’à…. leur disparition pure et simple ?
Favoriser les écoles privées sous contrat ? La loi Debré (1959) sur les écoles privées sous contrat prévoit que les communes participent aux frais de scolarité de tous les enfants de leurs communes (scolarisés dans les écoles publiques ou privées). Cette obligation pour les communes ne s’imposait qu’à partir de 6 ans (entrée au CP). Il n’y a jusqu’alors aucune obligation pour la commune d’entretenir les locaux des écoles maternelles privées ou d’acheter leurs fournitures. Cependant, si à la rentrée 2019, l’obligation à 3 ans est confirmée, les communes devront passer à la caisse !
Une chose est sûre : du point de vue de l’Etat, l’école maternelle française coûte cher et, depuis des décennies, les gouvernements successifs cherchent à la remplacer par un système moins onéreux.
Ceux, donc, qui seraient tentés de s’ébaudir de la décision présidentielle, sont invités à réfléchir aux dangers qu’elle peut potentiellement préparer.