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Le 1er décembre au ministère lors d’un groupe de travail sur les étudiants contractuels en master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation), les craintes du SNUDI-FO et de la FNEC FP-FO ont été confirmées.

Des contractuels étudiants dans les écoles payés 30% de moins que des contractuels remplaçants !

Le ministère a annoncé le déplacement du concours à la fin de la deuxième année de master (M2), retardant d’un an l’accès de nos futurs collègues au statut. Durant les deux années de formation en M1 et M2, le ministère mettrait en place l’alternance pour les étudiants en master MEEF. Ceux-ci, au lieu de préparer le concours, deviendraient enseignants contractuels !
Ils auraient en charge une classe sur des contrats d’un an, à cheval sur les deux années de master, avec des horaires hebdomadaires pouvant aller jusqu’à 13h par semaine. Ils seraient rémunérés moins de 700€ nets par mois, soit un traitement 30 % inférieur à celui d’un contractuel remplaçant ou d’un titulaire débutant ! Quant au coût de l’heure de travail, il tomberait pour ces étudiants contractuels en dessous de 10 €, moins que le SMIC !

Le ministre entend donc se créer une main d’oeuvre précarisée à bon marché et poursuit son entreprise d’uberisation de l’Education Nationale !
Par ailleurs, ces heures effectuées en tant que contractuels impliqueraient pour les candidats au concours une baisse du nombre d’heures dévolues à la formation… mais ce n’est visiblement pas le souci du ministre !

Les professeurs stagiaires à temps plein dans les écoles : 9 000 postes économisés !

Pire, une fois le concours réussi, les lauréats deviendraient professeurs des écoles stagiaires et seraient placés à temps plein face aux élèves (alors que les PES ne sont actuellement en classe qu’à mi-temps) … puisqu’ils auront été « professionnalisés » en amont ! En plaçant les professeurs stagiaires à plein temps en classe, le ministre économise ainsi environ 9 000 postes !
Le ministère ne leur accorderait gracieusement qu’une quinzaine de jours de formation pendant leur première année… en plus de leur plein temps hebdomadaire. Puisque les PE stagiaires devraient suivre leur formation en dehors de leur temps de classe, celle-ci aurait-elle lieu le mercredi, pendant les vacances scolaires ?

Quant aux tuteurs des stagiaires dans les écoles, ils recevraient une indemnité de 600 € (rappelons qu’elle était de 2000 € en 2010). Pour cette rémunération, qui voudra s’occuper de ces nouveaux stagiaires ?

Les directeurs d’école responsables de l’accompagnement de ces PE stagiaires ?

Par ailleurs, avec la loi Rilhac, la délégation de compétences de l’IEN vers les directeurs pourrait s’incarner par le fait que ceux-ci deviennent responsables de l’accueil et de l’accompagnement des stagiaires et des néo-titulaires dans leur école.
Charge à eux donc de gérer ces personnels, de leur apporter l’accompagnement nécessaire à la gestion des élèves et des parents, la mise en place des apprentissages. Et charge à eux aussi de justifier auprès de l’administration de la mise en place de toutes les réformes ministérielles par les personnels dont ils auront la responsabilité !

Le SNUDI-FO continuera avec sa fédération à porter ses revendications :
– Abandon de la mastérisation !
– Abandon du projet de loi Rilhac !
– Recrutement massif et immédiat de personnels sous statut !
– Stagiarisation ou titularisation de tous les contractuels qui le souhaitent !


Un puzzle décisionnel pour mieux exploiter étudiants MEEF et enseignants stagiaires

Il a fallu attendre que se tienne le 1er décembre au ministère, d’un « groupe de travail » réuni dans le cadre de l’ « agenda social », sur les étudiants contractuels de master MEEF, pour que soient confirmées toutes les analyses de la FNEC-FP FO et clarifié les objectifs du ministère.

Celui-ci a en effet composé un puzzle dont l’assemblage n’a pas été évident pour tous les interlocuteurs.

1e pièce du puzzle

Le concours est déplacé en fin de M2. C’est une simple déclaration de J.-M. Blanquer qui a fixé ce nouveau paramètre. Dès lors, chacun était enjoint de le prendre en compte dans les discussions. La FNEC-FP FO s’y est refusée et a contesté cet oukaze : déplacer le concours au second semestre de M2, c’est faire perdre une année dans l’accès au statut ainsi que pour les droits à la retraite.

2e pièce du puzzle

Le concours est vidé de l’essentiel de son contenu disciplinaire. Réduits à deux épreuves par la précédente réforme, dont une seulement centrée sur la maîtrise de la ou des disciplines, les oraux d’admission étaient déjà singulièrement affaiblis. Tandis que l’épreuve centrée sur la pédagogie demeure, l’épreuve strictement disciplinaire est remplacée par un oral de recrutement, avec des jurys étrangers au champ disciplinaire. Elle est de plus explicitement subjective, puisque destinée à tester la « motivation » du candidat. Comme l’a montré la FNEC-FP FO, c’est la remise en cause de concours qui, trop centrés sur les disciplines, ne permettent pas la « polyvalence » attendue par le ministère, c’est aussi une volonté de déqualification des enseignants et de mise en cause de cursus disciplinaires en amont du concours. En outre, c’est instituer une sorte de voie d’accès exclusive aux concours : réussir le CAPES après un master « recherche » deviendra presque impossible, tant la vérification de l’adéquation à l’institution primera sur celle de la maîtrise des connaissances.

3e pièce du puzzle

Disposer de directeurs d’INSPÉ à la main du ministère. Pour éviter que d’éventuelles oppositions se manifestent jusque dans les rangs directoriaux, le ministère change les modalités de désignation des directeurs d’INSPÉ, dont la désignation relève désormais principalement du ministère via les rectorats.

4e pièce du puzzle

La réforme des maquettes de master MEEF et la déstructuration des équipes de formation. Il faut « professionnaliser », ordonne le ministère aux équipes qui dans les INSPÉ sont chargées de mettre en place les nouveaux masters. Pour ceci, il faut que le tiers du volume de formation soit dévolu à des collègues qui continuent d’être la majeure partie du temps « dans les classes ». Concrètement, comme l’a montré la FNEC-FP FO, ceci met en cause les services des enseignants de statut premier ou second degré comme des enseignants-chercheurs affectés en INSPÉ, donc aboutit à réduire le nombre de postes en INSPÉ. Certains disent qu’il est impossible d’arriver à attribuer un tiers du volume de la formation à des enseignants externes aux INSPÉ (pas assez de volontaires, pas assez de collègues qualifiés pour ce faire). Or le volume horaire des masters n’est fixé par aucune réglementation et par ailleurs tout dépend de la disponibilité des étudiants MEEF pour suivre ces formations.

5e pièce du puzzle

La mise en place de l’« alternance » pour les étudiants MEEF, c’est-à-dire leur contractualisation. Au lieu de préparer leurs concours, ceux-ci seront contractuels sur des contrats d’un an, à cheval sur les deux années de master, avec des horaires hebdomadaires variables (jusqu’à deux-tiers de l’ORS hebdomadaire d’un titulaire, jusqu’à 100 % pour les futurs CPE), sur la base d’un calcul annualisé de de leur service. Rémunération : moins de 700 € nets par mois. Comme l’a montré la FNEC-FP FO, le coût de l’heure d’enseignement est de 30 % inférieur à celle d’un contractuel remplaçant ou d’un titulaire débutant (34 euros contre 48 euros) ; quant au coût de l’heure de travail, il tombe en dessous de 10 €, moins que le SMIC. Cependant les étudiants MEEF devront aussi suivre les cours à l’université, à l’INSPÉ, rendre les divers mémoires qui leur sont demandés. Gageons que peu pourront se présenter de manière sereine et avec de vraies chances de succès aux concours.

6e pièce du puzzle

La fin des décharges de service pour les enseignants fonctionnaires stagiaires. La justification tient au fait qu’ils auront été « professionnalisés » en amont. Au lieu de services à mi-temps hebdomadaires, ils disposeront d’une quinzaine de jours de formation en moyenne pendant leur première année… en plus de leur plein temps hebdomadaire. Ceci représente une « économie » de 9000 postes sur l’ensemble des 1er et 2nd degrés. Quant aux tuteurs des stagiaires en établissement, ils recevront une indemnité de 600 € (rappelons qu’elle était de 2000 euros en 2010). Pour ce tarif, qui voudra s’occuper de ces nouveaux stagiaires ? Sans doute de moins en moins de collègues, mais ceci devrait s’adapter à la baisse du nombre de lauréats des concours, déjà entamée et que la réforme rendrait inéluctable.

7e pièce du puzzle

La destruction de l’enseignement disciplinaire en amont du master, c’est-à-dire en licence. Cette 7e pièce n’a encore guère été dévoilée mais elle est en voie d’assemblage, dans des « groupes de travail », pour les professeurs des écoles en premier lieu mais pour ceux du second degré aussi. Produire « l’enseignant de demain », « professionnalisé », c’est-à-dire polyvalent et bouche-trous, ne requiert pas en effet d’exigeante formation disciplinaire préalable, qui risque de plus de doter le futur enseignant d’un outillage intellectuel et critique peu conforme aux attentes de la hiérarchie.

8e pièce du puzzle

La dislocation de tout cadre national. Cette pièce est transversale à toutes les autres. Au nom de la nécessaire « adaptation » (aux horaires changeants des contractuels étudiants, aux disponibilités en main d’oeuvre qui varieraient selon les INSPÉ ou les universités), il n’y aura plus aucune formation initiale (qu’elle soit professionnelle ou académique) comparable d’un endroit à l’autre du territoire, ni même entre filières d’un même territoire.

Reconstruisons le puzzle

➢ La réforme de la formation des enseignants et des concours a pour objectifs immédiats et principaux :

  • l’utilisation, pour un coût défiant toute concurrence (inférieur au SMIC), des étudiants MEEF comme contractuels bouche-trous dans les établissements, leur acclimatation aussi à la condition de contractuel ;
  • l’économie d’environ 9000 postes ;
  • des économies sur les postes et services en INSPÉ.

➢ Et elle a pour conséquences :

  • l’extinction progressive de l’emploi statutaire, avec la mise en cause du caractère disciplinaire des concours, la déqualification des aspirants enseignants, la dislocation de la formation dans l’ « adaptation », la disparition à terme des concours nationaux ;
  • la mise en cause de la cohérence de la formation avant le concours, articulant recherche, enseignement disciplinaire, formation pédagogique ;
  • la disparition de la formation professionnelle post-concours.

À tous points de vue, il est donc urgent d’arrêter cette réforme.

La FNEC-FP FO appelle tous les collègues à se réunir, dans les INSPÉ, dans les universités, dans les jurys de concours,… pour prendre position nettement pour l’abandon de l’ensemble de la réforme.